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Porte de l’Arrière Garde

dimanche 14 mai 2017

Ici, au XVIIIe siècle, la marine royale installe son antichambre protégée par les murs des fortifications du Bouguen et de Quéliverzan. Nous sommes à l’arrière garde, un nom militaire, un lieu « armé », qui rappelle que ce lieu fût conçu au XVIIIe pour répondre à l’éventuelle menace des canons anglais, qui n’eurent de cesse de répondre à ceux des armées et marines françaises durant tout ce siècle (Guerre de succession d’Autriche, Guerre de Sept ans, Guerre d’Indépendance américaine).

Mais laissons là, aujourd’hui, ce visage maritime et militaire que vous pourrez contempler plus en détail à travers l’article du site wikibrest : « Balade sur la ligne bleue » (balade réalisée en avril 2012 par le CCQ de Bellevue), mais également dans de nombreux ouvrages et articles, écrits sur l’histoire de Brest fortifiée.

Le XVIIIe voit fleurir sur les rives tortueuses du fond de la Penfeld, nombre de demeures de plaisance de la noblesse, de la bourgeoisie brestoise du négoce, du commerce : les bastides.

Jacques Cambry, commissaire des sciences et arts, en 1794, effectuant un voyage à travers le Finistère nous les dévoilent dans son livre dont je vous lis un court extrait : «  …Les rives de la rivière sont solitaires, on y voit cependant, d’espace en espace, des jardins, des jolies bastides où les laborieux habitants de Brest se reposaient les jours de fêtes.  »

Ces domaines de plaisance, ces « maisons » de campagne sont nombreuses sur les deux rives de la Penfeld, les bastides du XVIIIe de Messire Tremblay, de Vassal, Bordenave, Saupin ou Riou-Kerhallet, succèdent au canevas de terres nobles qui bordaient précédemment la Penfeld.

Le XIXe transformera ses domaines en quelques manoirs : Kerhallet, Quizac-Kerguerec… Ceux-ci sont évoqués dans un autre article de wikibrest : M comme Manoirs, production du Conseil Consultatif du Quartier. Peu de traces subsistent de ces domaines du XVIIIe, exception faite peut-être de celui dont nous allons parler maintenant et qui se trouve devant nous, Kervallon.

Jusqu’en 1788, le domaine est la propriété du Marquis de Fayet de Liversan, lieutenant du régiment des Gardes Françaises. (D’où le nom QUELIVERZAN, sans doute : KER LIVERZAN = Domaine du sieur Liverzan). Le domaine est vendu à Jean-François Riou, sieur de Kerhallet, le 2 décembre 1788. Riou de Kerhallet, négociant-armateur, fils d’un marchand de vin de Châteauneuf du Faou, amasse une fortune considérable grâce a son commerce avec la marine et à la guerre de course, durant la guerre d’Indépendance américaine, la Révolution et l’Empire. C’est suite à cette activité qu’il achète le domaine de Kervallon pour la somme de 15 000 livres et que la maison sera appelé maison du corsaire.

Associé à la propriété et ses terres, il développe en bord de Penfeld, un site
« industriel » propre à son « labeur » d’armateur : cales, quais, tannerie, etc… Elle se présente comme « un corps de logis composé de plusieurs appartements et autres bâtiments et terrains y attenant formant le manoir principal dit la bastide de Kervallon, ensemble de jardins, avenues, cour, bassecour, masure, plantations et autres terrains en dépendant. Elle est limitée par la Penfeld où se trouve la cale à gauche en entrant du port dans la rivière et par la bastide d’un autre négociant armateur, Joseph-André-Charles Tremblay, par la ferme de la Jument blanche, à l’ouest, les fortifications de Quéliverzan fermant la propriété à l’est ».

Cette description se complète par les illustrations mises à votre disposition : une vue du plan relief de Brest ainsi qu’une œuvre de Charles Francisque Raub, « maître reconnu à Brest », né à Brest en 1854 et décédé en 1926. Un détail de cette œuvre est intéressant : on y découvre un bâtiment percé de « toutes parts », surmonté d’un dôme. Il s’agit de la tannerie installée par Riou-Kerhallet. Cette architecture particulière répondait à la nécessité de faire circuler l’air pour sécher les peaux entreposées destinées à la confection, entre autres choses, des cirés des marins de la Royale.

La propriété demeure dans la famille jusqu’au XIXe. Au début du XXe siècle, Keratry, « général de l’armée de Bretagne », député de Brest, en fût propriétaire. Elle se présente alors, comme un domaine agricole exploité par plusieurs agriculteurs et ouvriers agricoles, occupés aux cultures maraîchères destinées au marché brestois tout proche : parmi ces agriculteurs, employés agricoles, une partie des aïeuls d’Hugues Vigouroux qui a rédigé le texte que je vous lis. Cette photo, datant des environs de la première guerre mondiale que vous pouvez découvrir sur les illustrations mises à votre disposition, se trouve sur wikibrest dans l’article « A comme Arrière Garde ». Les installations « industrielles » quant à elles, cales, entrepôt, etc., récupérées par la Marine dans la seconde partie du XIXe, sont peu à peu abandonnées, l’activité navale se concentrant plus en aval sur la Penfeld.

C’est encore le son du canon, qui redonne vie au site qui est aménagé, lors de la première guerre mondiale, en Hôpital, l’Hôpital Dépôt Convalescents n°4 (HDC n°4), dont une illustration vous est proposée. D’une capacité de 400 à 500 lits, il est en activité de janvier 1915 à mars 1919. Plus loin sur les rives, se trouvait aussi l’Hôpital Dépôt de Convalescents n°6, l’établissement des Pupilles de la Villeneuve. En activité de décembre 1914 à décembre 1918, il disposait de 600 à 700 places. Par la suite, les soldats blessés laisseront place à des magasins et entrepôts pour l’artillerie navale.
En 1940, Jean Perrigault, lieutenant de réserve, journaliste de son état, y installe102 travailleurs marocains, ouvriers coloniaux envoyés à Brest pour les chantiers de l’arsenal. Les nouveaux résidents s’emploient à raviver Kervallon, un café maure y est même installé… Un temps de quiétude que la fureur des hommes, une fois de plus, ne tardera pas à rattraper…

Ainsi s’achève pour aujourd’hui l’histoire de ce site. Espérons que l’histoire à venir se nourrisse de toutes les traces d’humanité que Kervallon a su nourrir.

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